mercredi 27 novembre 2013

Du matériel sportif bienvenu dans les campements de réfugiés


En octobre 2013, par l’intermédiaire du Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR), l’entreprise Samsung et le Comité Olympique International ont soutenu le sport sahraoui par un important don en matériel sportif.

Des ballons de football, volleyball et basket, chasubles, filets, signalisation de stades, pompes et cantines de stockage ont été remis à chaque école des campements de réfugiés, à chaque centre jeunesse, chaque club, chaque institution médicale et administrative. Les collèges, centre de formation professionnelle des campements ainsi que les étudiants sahraouis organisés dans l’UESARIO ont également reçu une part de ce soutien.
           
Selon Mohamed Mouloud Mohamed Fadel, Ministre sahraoui à la Jeunesse et aux Sports : « c’est une aide nécessaire. Etre réfugié n’implique pas que nous n’ayons pas le droit au sport et que nos besoins en sport ne soient pas couverts.
Aider les réfugiés à faire du sport, c’est les aider à améliorer leur qualité de vie, leur donner les moyens de penser à autre chose que les difficultés de la vie quotidienne et de la situation géopolitique. C’est une aide psychologique et morale.
C’est aussi une autre manière de travailler la paix, les valeurs du sport éduquent au bon comportement pour les enfants et les jeunes.
Ce don est enfin une opportunité pour appeler chacun au niveau international à appuyer cette dynamique par d’autres soutiens, matériels pour d’autres sports, et de formation et d’entrainement, d’invitation à partager des compétitions à tous les niveaux, local et international, et pour tous les âges. »

APSO, le 27 novembre 2013

 

jeudi 21 novembre 2013

Rencontre

Photo APSO
Une petite centaine. Autant que de cadavres retrouvés dans cette partie du désert, entre le Niger et l’Algérie. Essentiellement des femmes, petites, fluettes, maigres, accompagnées d’enfants, à peine adolescents pour les plus âgés, comme les restes de ceux trouvés entre Sahel et Sahara. On les signale dans plusieurs villes d’Algérie. Leur provenance ? Le Niger, dernier pays au monde au classement de l’indice de développement humain, pays pourtant fournisseur d’uranium, d’or, de pétrole et de fer. A qui profite le développement ?

La petite centaine de femmes et de jeunes enfants, accompagnée de moins d’une dizaine d’hommes vient de la région de Zinder. Habituellement les migrations de cette région essentiellement agricole étaient saisonnières et en cas de difficultés plutôt tournées vers la Libye. La sécheresse et les conflits depuis 2011 ainsi que la révolution libyenne les ont poussés vers l’Algérie. Depuis une année, ils sont arrivés à Ghardaïa. Après avoir posé leurs haillons le long du mur de la gare routière et dans l’Oued, les voilà déplacés plus discrètement dans un terrain vague, près de la poste. Par petits groupes de trois enfants ou d’une femme accompagnée de deux enfants, ils mendient toute la journée dans Ghardaïa.

Après la prière du soir, nous sommes allés les rencontrer. En sortant de l’oued nous avons vu leurs quatre à cinq feux. Les pauvres baluchons alignés le long du mur pendant la journée délimitaient chaque foyer autour desquels vingt à trente personnes s’étaient regroupées. Quelques toutes petites filles revenaient de la gare, des bouteilles d’eau en équilibre sur la tête. Nous étions brusquement dans un village de la région de Zinder. Comme chaque soir cette petite caravane, qui avait traversé nous ne savions comment le Sahara, rapportait au bivouac quelques pièces d’aumône et de quoi se restaurer.

La plus belle natte a été dépliée pour les trois visiteurs que nous étions, rois mages aux mains vides. Les rares hommes nous ont accueillis, puis quelques femmes ont approché leurs nattes. En quelques minutes seulement, nous étions devenus le noyau d’un fruit  de femmes et d’enfants. Le plus ancien de nous trois ayant vécu au Niger, connaissant leurs traditions et parlant Haousa  fit naitre sourires, puis rires et applaudissements en cherchant parfois ses mots ou en les mimant. Notre situation de dépendance rétablissait une forme de partage. C’est eux qui venaient à notre aide. De notre côté, nous avions du mal à croire que ces femmes aient pu changer leur plainte mendiante en une parole retrouvée. De leur côté, certaines nous ayant croisé durant la journée ont dû aussi s’étonner de ne plus voir sur nos visages une indifférence gênée, mais un vrai regard.

A cet instant précis, nous étions les invités des personnes les plus pauvres de la terre. Au moment de partir, une heure plus tard, les mains se sont tendues, non plus horizontalement mais verticalement. La dignité se joue parfois à un quart de tour. Nous avons serré des dizaines de mains vivantes.

Puis nous sommes montés, sur la colline éclairée par la pleine lune, de l’autre côté de l’Oued. Une bonne demi-heure de marche pour arriver aux ghettos Autre visage de la migration. Des hommes jeunes exclusivement, la plupart entre 16 et 30 ans, du Libéria, du Cameroun, de Côte d’Ivoire, du Togo, du Mali, du Congo,  de Centre-Afrique… Certains suivent les routes séculaires d’une migration saisonnière qui mêle le caractère initiatique et le besoin économique, d’autres ont fuit des massacres comme au Libéria et en Sierra Leone, ont trouvé un refuge provisoire dans des pays voisins avant d’être à nouveau chassés. D’autres encore cherchent à gagner l’Europe par le Maroc, ou reviennent expulsés. Leurs espoirs, leurs déceptions, la fatigue se lisaient sur la quarantaine de visages.  Avant le lever du jour les hommes partent sur les chantiers, certains y vivent la semaine, remplaçant les bétonnières, d’autres travaillent dans les palmeraies. Certains économisent pour poursuivre la route, d’autres renvoient l’argent au pays.

De la présence du peuple Sahraoui exilé sur son sol depuis 38 ans, aux Harragas, jeunes algériens fuyant le mal vivre, en passant par les migrations subsaharienne ou du Moyen-Orient, l’Algérie continue d’être pays de transit et devient  pays d’accueil forcé de ces différentes formes de migration. Six mille kms de frontières désertiques ou minées sont limitrophes de pays en guerre ou en grande difficulté. Et après la mortelle traversée du Sahara, l’ultime frontière, la Méditerranée, est devenue un véritable  cul de sac renforcé par l’externalisation des frontières.  Veut-on faire du plus grand pays d’Afrique, ou du Maghreb un centre de rétention à ciel ouvert, un terminal de la migration ? Rappelons que  l’Afrique est le continent où les flux migratoires internes sont les plus importants.

Nous étions là, dans cette pièce cimentée d’une carcasse d’immeuble, à nous demander si nous aurions accepté de mourir légalement chez nous, de famine, de guerre ou de simple misère ou  de survivre « irrégulièrement » au-delà des frontières tracées par ceux-là même qui étaient entrés « légalement » pour coloniser et qui aujourd’hui encore, par les multinationales et la mondialisation, « développillent » et entretiennent l’insécurité dans cette même Afrique.

Je suis resté touché par la dignité et l’humanité de ces personnes rencontrées. Et pourtant  nous avons vu ce soir là ceux qui font trembler  l’Europe.  Ces hommes, ces femmes et ces enfants qui justifient que  Frontex, Eurosur et autres agences déploient drones et matériels de haute technologie, non pas pour sauver des vies mais pour protéger la citadelle Europe. Ces mêmes agences de l’UE qui  ont également la barbarie d’envisager de réinstaller des lames coupantes au sommet de la triple clôture frontalière de Melilla.

Nous avons partagé des moments de convivialité, des échanges simples bien loin des grands discours, la possibilité de vivre décemment, dans le respect des Droits. Une journée ordinaire de mendicité, de travail, d’espoir d’une vie meilleure. Une journée que l’on peut choisir d’ignorer ou de simplement partager. En quittant nos hôtes, cette constatation. Pourquoi  ne croise t’on pas les gens censés trouver des solutions sous les tentes Sahraouies, dans les ghettos ou les pateras ? Pourquoi avoir intérêt à transformer un phénomène en problème ? Pourquoi choisir de gérer toujours plus les conséquences et refuser de s’attaquer aux causes ? A qui profite la situation ?
 
Jean-françois Debargue, Ghardaïa, novembre 2013
Publié  par APSO avec l’autorisation de l’auteur, le 21/112013.

Suite...

Au court texte de Ghardaia sur les migrants nigériens, je voudrais ajouter ces quelques informations :
- Une ampoule sur trois éclaire en France grâce à l'uranium Nigérien, exploité par Areva.
- Le Niger, dernier pays au classement de l'indice humain est donc le premier fournisseur de la cinquième puissance mondiale (de par son PIB)
- Depuis 1970, Areva aurait extrait près de 120 000 Tonnes d'uranium pour un coût estimé à 13% de sa valeur totale d'exportation. Bien entendu, aucune certitude que l'État Nigérien redistribue ces  "sous-recettes" qui ne représente par an que 5% du budget de l'État.
- Le Président du Niger, Mr Issoufou est un ex ingénieur des Mines formé en France, ex cadre d'Areva et ex directeur de la mine d'Arlit.
- 90% de la population Nigérienne n'a pas accès à l'électricité ! Et si on éteignait une ampoule sur trois ce soir. Pour commencer...
 

lundi 11 novembre 2013

Des macaronis au milieu du désert

Quand au milieu du désert des déserts, après 38 ans d’exil, que la malnutrition est chronique et l’apport alimentaire de l’aide internationale capricieux, il vient l’idée que l’on pourrait bien, ici et malgré tout, produire ce dont on a besoin, avec un petit peu d’aide.

Au milieu du désert donc, dans les campements de réfugiés sahraouis, au centre de travail des jeunes, des jeunes filles produisent des pâtes alimentaires, base importante de l’alimentation des réfugiés. L’atelier de production de pâtes est une Initiative de l’équipe du ministère sahraoui jeunesse et sports, soutenue par l’association espagnole FANDAS* pour les machines, la formation des travailleuses, une subvention de démarrage pour l’achat des premiers consommables, le voyage des machines et des formateurs.

Cinq filles constituent l’équipe qui gère l’atelier, fabrique les pâtes et entretient les machines. Elles sont : Fudiha 22 ans, Natou 25 ans, Dehbe 26 ans, Gejmoula 25 ans et Mina 25 ans, et sont nées dans les campements de réfugiés.

Les jeunes filles présentent volontiers leur atelier et en expliquent les particularités et fonctionnement. L’atelier est équipé de 4 machines, 3 neuves et une plus ancienne, chacune créant des pâtes différentes.
Les jeunes Sahraouies sont organisées en roulement, celle qui ne surveille pas les machines fait les achats nécessaires, pèse la farine, conditionne les pâtes en sac ou sachets. Le conditionnement destiné aux particuliers est de 500 g, l’emballage est en papier kraft. Les gros sacs sont de 10 à 15 kg.

Après plusieurs essais, l’alimentation des machines est finalement de 5 kg de farine de blé dur et 1,8 litre d’eau. Les machines mettent environ 15 minutes à transformer cette quantité en pâtes. Le temps de séchage est de 24h, la température locale est en effet propice à un séchage efficace et rapide, le thermomètre affichant encore 30° en journée au début du mois de novembre.

Les filles travaillent 6 jours par semaine, de 9h à 12 h ou 13 h. Le jour de repos hebdomadaire sahraoui est le vendredi. Selon leurs estimations, la production minimum est de 100kg par jour, et le maximum dépend du nombre de bourrage de la machine plus ancienne, et du temps mis à la remise en marche.

Vous pouvez trouver ces pâtes au centre et dans quelques boutiques des campements, et vous paierez 35 dinars le paquet. Néanmoins une importante partie de la production répond à des commandes d’écoles, administrations de la République Sahraouie. Une école par exemple commande par 1400 kilos ce qui correspond à ses besoins pour 3 mois.

Toutes les commandes sont honorées, y compris celle plus marginales de partenaires solidaires, adeptes des pasta parties et qui parviendront à faire venir quelques centaines de kilo de pâtes pour soutenir leurs activités. Au besoin une deuxième équipe peut travailler une autre partie de la journée ou de la nuit en fonction des saisons, la température en journée l’été montant jusqu’à 50°.

En guise d’au revoir, Gejmoula en fine connaisseuse, donne quelques conseils de cuisson : plonger les pâtes dans  l’eau bouillante, quand la texture vous convient - et elle fait un geste de ses doigts -c’est cuit ! Sortez les de l’eau, ajoutez la sauce que vous aimez. Bon appétit.

Elle ne l’a pas précisé, mais si vous n’habitez pas dans les campements de réfugiés où l’eau contient une très forte teneur en sel, n’oubliez pas d’en ajouter…

Dans le contexte particulier des campements de réfugiés, où les possibilités d’emploi dépendent souvent des ONG, l’atelier se distingue par une obligation de résultat dont dépendra l’indemnité que recevra chaque jeune fille. Le travail a donc commencé avant qu’il n’apporte ses fruits d’amélioration du quotidien pour les jeunes travailleuses.

L’atelier est en place et fonctionne mais ne suffira pas à couvrir les besoins de toute la population réfugiée. Les volontaires sahraouis parrains de l’atelier ajoutent que toutes nouvelles solidarités sont les bienvenues, pour des dons de machines, des conseils et formations pour confirmer les compétences acquises, et améliorer les pâtes, compositions et goûts… l’objectif double étant l’apport alimentaire et sa qualité nutritive, et l’emploi des jeunes.

APSO, le 11 novembre 2013 

* FANDAS : Federacion Andaluza de Associciones solidarias con el Sahara, financée par le Parlement andalou.
 Photo APSO
D'autres photos ici : http://apsophotos.blogspot.com/2013/11/altelier-pate-campements-de-refugies.html

Reportage vidéo fait par les espagnols de Fandas. (en espagnol)